Actuellement, un auteur de jeu de société gagne en moyenne 2,5 % du prix de vente final du jeu qu’il a créé. La plupart des jeux sont fabriqués en Chine, sans considération particulière pour leur impact environnemental.
Je vous propose dans cet article, de penser la création d’un label « Fair Game », ou « jeu équitable », pour les jeux de société. Ce label aura 2 objectifs : mieux rémunérer les auteurs et les illustrateurs, et favoriser des conditions de fabrication plus respectueuses de l’environnement. Pour mieux comprendre pourquoi je fais cette proposition, vous pouvez lire mon précédent article sur la rémunération des auteurs de jeux de société.
Pour l’instant,ce label est seulement un projet. Avec votre soutien, il pourrait devenir une réalité !
Qui écrit ? Petite remise en contexte
Je suis Mathieu Baiget, auteur, éditeur et fondateur de Ludiconcept. Je suis devenu éditeur pour vivre de mon métier d’auteur. J’ai créé et édité les jeux Opération Archéo et Cuistot Fury.
Le label jeu équitable intéresse-t-il les joueurs ?
Les données ci-dessous proviennent d’un sondage en ligne réalisé en août 2020. Pour plus d’informations sur le sondage et ses résultats, vous pouvez cliquer ici.
93 % des joueurs pensent que les auteurs de jeux ne sont pas assez rémunérés. Selon eux, la juste rémunération des droits d’auteur est de 8 % du prix de vente public (contre en moyenne 2,5 % actuellement).
80 % des joueurs déclarent qu’ils seraient influencés dans leurs achats par un label jeu équitable. 20 % d’entre eux privilégieront l’achat de jeux labellisés.
84 % des joueurs sont prêts à payer un jeu plus cher pour mieux rémunérer l’auteur. En moyenne, ils sont prêts à payer un jeu 2,30 € plus cher (pour un jeu à 30 €).
Suite à la lecture de mon précédent article, la part des joueurs prêts à privilégier les jeux Fair Game est passée de 18 % à 23 % (+5 %). Communiquer sur le label donne de bons résultats et peut inciter davantage de joueurs à soutenir les jeux labellisés.
81 % des joueurs intéressés par le label souhaitent qu’il soit associé à d’autres critères. Les joueurs veulent des jeux équitables pour tous, et pas seulement pour les auteurs. L’écologie, le lieu de fabrication, la transparence de l’éditeur et la rémunération des illustrateurs sont des critères importants pour la plupart des joueurs.
Que garantira le label jeu équitable ?
Le label garantira : une meilleure rémunération pour les auteurs et illustrateurs, un impact environnemental réduit, la transparence dans l’édition du jeu.
Rémunération de l’auteur
La rémunération minimale de l’auteur sera de 5 % du prix public HT (hors taxes) dès la première boîte vendue. L’éditeur pourra également choisir une rémunération évolutive : 4% du prix public HT sur les 2000 premières boîtes, puis 6% du prix public HT.
L’auteur devra toucher une avance sur droits minimale de 500 € HT. L’avance sera conservée par l’auteur même en cas d’annulation du contrat. Si le jeu reste épuisé ou non édité pendant plus de 600 jours d’affilée, alors l’auteur pourra mettre fin librement et sans pénalités au contrat qui le lie à son éditeur. En cas d’auteurs multiples, les droits d’auteurs seront partagés de manière équitable entre les auteurs, au prorata du travail fourni.
Les cas particuliers seront prévus :
- Si l’auteur est déjà rémunéré de manière fixe par l’éditeur, en tant que salarié ou freelance par exemple, alors la rémunération minimale sera de 0,5 % du prix public HT. Dans le cas d’un freelance, la rémunération devra être représentative du travail fourni.
- Si l’auteur est aussi l’éditeur, ou s’il possède au moins 10 % du capital de la société éditrice, alors aucune condition de rémunération ne sera nécessaire.
Les conditions de rémunération de l’illustrateur seront identiques à celles de l’auteur, sauf dans le cas d’un jeu très peu ou pas illustré.
Impact environnemental
Le jeu devra répondre à l’un des deux critères suivants :
- Fabriqué en Union Européenne
- Labellisé FSC ou PEFC
Transparence
La boîte de jeu devra mentionner le pays, le mois et l’année de fabrication, ainsi que le nom des auteurs et des illustrateurs.
Promotion du label
Une présentation du label Fair Game et de ses critères devra être incluse sur ou dans la boîte de jeu.
Evolution du label
Les critères du label pourront évoluer. Un jeu labellisé garde le droit au label jusqu’à l’épuisement de l’édition en cours. L’édition suivante devra respecter les critères mis à jour.
Coût pour créer le label
Pour pouvoir lancer le label, les éléments suivants sont nécessaires :
- Création du logo (300 à 500 €)
- Dépôt de la marque (350 € pour un dépôt France, 1000 € pour un dépôt Europe)
- Rédaction de la charte, du contrat et du dossier de candidature (1500 €)
- Démarchage et recherche de partenaires (coût à définir)
- Création d’un site internet et de réseaux sociaux dédiés (1000 à 3000 €)
- Budget communication (1000 à 5000 €)
J’estime le budget de lancement entre 4150 et 11000 €. Je peux assurer bénévolement la rédaction de certains documents, ainsi que la création des réseaux sociaux et une partie du démarchage. Pour les éléments restants, plusieurs solutions de financement sont envisageables :
- Mécénat de compétences, des professionnels qui offrent leur temps et leur expertise
- Précommandes de demandes de labellisation, des éditeurs qui paient en avance les frais de dossier pour plusieurs jeux
- Mécénat, des dons d’argent
- Sponsoring, des partenaires qui payent en échange de visibilité
Gestion du label
Le label Fair Game sera créé et géré par Ludiconcept dans un premier temps. Cela permettra une mise en place simple, rapide et sérieuse. Il pourra dans un second temps être transféré à un organisme indépendant, une association loi 1901 par exemple.
La labellisation d’un jeu se fera en trois étapes :
- Avant la sortie du jeu, l’éditeur demande la labellisation.
- L’éditeur remplit le dossier de labellisation et paye les frais de dossier. Il fournit les justificatifs, incluant les contrats de cession de droits et le devis ou la facture de l’imprimeur spécifiant les conditions de fabrication du jeu.
- Le dossier et les justificatifs sont étudiés. La labellisation est validée si le jeu respecte les critères du label. L’éditeur peut alors afficher le logo Fair Game sur son jeu.
Le dossier de labellisation sera signé à la fois par l’éditeur et par la personne chargée de vérifier et valider le dossier. Cette personne sera soumise à un devoir de confidentialité concernant l’ensemble des justificatifs transmis.
A chaque réédition, l’éditeur devra redemander le label, pour vérifier que les critères sont toujours respectés. Les conditions de fabrication peuvent en effet changer d’une édition à l’autre. La procédure de validation sera simplifiée pour les rééditions.
Coût pour labelliser un jeu
Lors d’une demande de labellisation, l’éditeur paiera des frais de dossier :
- 80 € HT pour une édition de 2000 boîtes maximum
- 0,05 € HT par boîte pour une édition de plus de 2000 boîtes
Le label sera valable pour une seule édition du jeu, car les conditions de fabrication peuvent changer d’une édition à l’autre. La réédition bénéficiera d’un tarif réduit :
- 50 € HT pour une édition de 2000 boîtes maximum
- 0,03 € HT par boîte pour une édition de plus de 2000 boîtes
A quoi servira l’argent ?
L’argent servira à rembourser les investissements nécessaires à la création du label. Il permettra d’assurer le traitement des dossiers de labellisation, en recrutant si nécessaire une personne dédiée. Il servira également à communiquer et à promouvoir le label.
Importance des partenariats
Le label Fair Game demandera un effort financier aux éditeurs : pour obtenir le label, ils devront augmenter la rémunération des auteurs. Le label doit donc être un avantage pour eux, en termes d’image, de visibilité et de ventes.
Les partenariats avec les acteurs du monde du jeu sont un bon moyen de rendre le label avantageux. Voici quelques idées de partenariats :
- Proposer au Groupement des Boutiques Ludiques de mettre en avant les jeux labellisés, avec un espace dédié en boutique et/ou une page dédiée dans leur catalogue.
- Proposer aux médias ludiques de créer une rubrique spéciale pour les jeux labellisés, avec des mises en avant régulières.
- Négocier des remises pour les jeux labellisés Fair Game, sur l’achat des services utiles aux éditeurs. Par exemple, une remise sur l’achat d’une publicité dans un magazine spécialisé, une remise sur le prix du stand dans un festival…
- Proposer au Réseau des Cafés Ludiques de créer un événement mensuel ou trimestriel réservé aux jeux équitables.
- Proposer aux ludothèques de mettre en place une animation réservée aux jeux équitables, une fois par mois, par trimestre ou par an.
- Négocier auprès des festivals, un stand gratuit pour faire découvrir le label « Fair game » et les jeux labellisés.
Quel intérêt pour les partenaires ?
Un label « Fair média ludique » sera décerné aux médias partenaires du label. Ces médias pourraient également recevoir des informations en avant-première de la part des éditeurs labellisés.
Un label « Fair Boutique ludique » ou « Fair Ludicaire » sera décerné aux boutiques partenaires du label. Elles pourront ainsi se démarquer et montrer à leurs clients qu’elles sont dans une démarche vertueuse, bénéfique aux auteurs et à tous les acteurs du monde ludique.
Tous les partenaires pourront être mis en avant sur le site et sur les réseaux du label. Sans oublier la fierté de contribuer à une meilleure rémunération des auteurs !
Quand le label deviendra-t-il réalité ?
Ce label n’existe pas encore. Cet article me permet de proposer une solution concrète. Rien ne dit cependant que cette solution conviendra à la majorité. Avant d’exister, le label « Fair game » doit gagner en légitimité, être soutenu par d’autres acteurs du monde ludique : joueurs, médias ludiques, éditeurs, distributeurs, boutiques, cafés ludiques, etc.
Pour que le label « Fair game » se concrétise, la première étape est d’en parler. Ce label peut rester un article sans suite sur mon blog. Il peut aussi faire boule de neige et se concrétiser. Vous pouvez vous emparer de ces propositions, les améliorer, les mettre en application. Vous pouvez aussi me contacter. Seul, je vais plus vite, mais ensemble, nous irons plus loin.